Posté le 27 mars 2023 par La Rédaction

Mathieu Jambon est viticulteur depuis 2019. À 25 ans, il est installé à Prissé et est coopérateur de la cave Terres Secrètes. Il partage son métier aujourd’hui, sa vision, ses difficultés mais aussi son plaisir.

Comment êtes-vous arrivé à la viticulture ?

Depuis tout petit, je suis passionné par le matériel agricole. Mes parents ne sont pas du milieu, mais à Prissé nos voisins sont en groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) en polyculture. Dès mes 16 ans, je travaillais avec eux en saisonnier, le mercredi, samedi, quand je n’avais pas cours. J’ai passé mon Bac au lycée de Davayé en Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant (STAV) et j’ai poursuivi avec un BTS Viticulture et oenologie. J’ai travaillé deux ans comme salarié sur l’exploitation de mes voisins. Ils m’ont transmis et formé au métier d’agriculteur. Je me suis installé en individuel avec 9,75 hectares de vigne en fermage et métayage, précédemment exploités par le GAEC.

Quel est votre travail ?

Je travaille la vigne, la cultive, la bichonne et espère faire les plus belles vendanges. En hiver, je la taille. Et ensuite, traitement, vendanges… Sur une année de travail, il y a des évolutions passionnantes. C’est un cycle très riche et c’est ce qui fait que je suis épanoui dans mon métier. Je suis aussi coopérateur et membre du conseil d’administration de la cave des Terres Secrètes. La vinification se fait à la cave coopérative. Parfois, des personnes pensent qu’on vend nos raisins à la cave, mais ce n’est pas le cas. La cave, c’est le prolongement de notre exploitation.

Que sont les traitements dont vous parlez ?

Ce sont des traitements phytosanitaires. Notre profession est quelquefois attaquée et est très normée. Le traitement, ça coûte au portefeuille et au temps. Nous ne sommes pas heureux d’utiliser des phytosanitaires, mais il y a des maladies (principalement le mildiou et oïdium). S’il n’y a pas de traitement, les récoltes peuvent tomber à zéro. Ce que nous voulons, c’est protéger nos vignes et les récoltes. Les normes évoluent, nous sommes soumis aux changements climatiques et aux pressions sociales.

Est-ce que la viticulture pose des problèmes dans les relations sociales ?

Pour protéger le voisinage des produits phytosanitaires, il y a une « charte riverain ». Elle est disponible et libre d’accès. Il y a ce qu’on appelle les « zones de non-traitement » (ZNT) que nous devons respecter. Le problème, c’est que l’évolution de ces règles va plus vite que l’adaptation. Nous faisons de notre mieux pour que ça ne dérange personne, mais les maladies sont présentes. Quand nous soignons une culture, nous faisons attention et ne faisons pas n’importe quoi.

Qu’est-ce que le mildiou et l’oïdium attaquent ?

Les deux sont des champignons. En hiver, ils sont au repos dans le sol. Au début du cycle végétatif, dès début mai, les feuilles et l’inflorescence se développent. Malheureusement, les champignons aussi, surtout avec les pluies. Le mildiou attaque le feuillage et le raisin. L’oïdium va s’attaquer aux raisins et aux feuilles. Vu que la vigne vit grâce à la photosynthèse, ils induisent des pertes directes et indirectes.

Qu’en est-il des aléas climatiques ?

Je me souviens du gel de 2021. En avril, mes parcelles ont été atteintes, le niveau de gravité allait de 20 % à 80 % de pertes. J’ai subi la grêle en juin 2021 et ma récolte s’élevait à un peu plus de la moitié. En 2019 et 2021, c’était le gel. En 2022, c’est la sécheresse. Les vieilles vignes ont plus de racines et peuvent s’adapter, mais les jeunes en souffrent. Une année ça peut passer. À répétition, s’il n’y a pas davantage de pluie, ça peut poser problème.

Il y a-t-il des techniques pour contrer ces aléas ?

Pour le gel, il y a déjà différents types. Avec la gelée blanche, comme celle d’avril 2021, l’air froid se situe proche du sol et l’air chaud est en hauteur. Avec une éolienne, on peut brasser l’air chaud du haut pour l’abaisser. Pour le gel d’hiver, le gel noir, il y a une masse d’air froid en altitude et nous avons très peu de moyens pour lutter. Il existe les feux, les bougies ou d’autres moyens coûteux, mais il faut s’en servir au bon moment et comme il le faut. Ça reste compliqué à mettre en oeuvre. Pour la sècheresse, c’est compliqué également. Nous pouvons travailler avec de la matière organique, du fumier voire du paillage au pied des vignes pour retenir l’eau près des pieds.

Quelles sont les charges auxquelles vous êtes soumis dans votre métier ?

Ce sont les charges administratives. Le vin est un produit très contrôlé (heureusement pour le consommateur !) Nous sommes soumis aux douanes, aux gestions de surfaces, à la traçabilité des produits phytosanitaires, des engrais… Pour chaque bouteille de vin, on est capable de remonter à la parcelle d’apport, aux traitements, amendements… Aussi, la vigne est un domaine où il y a besoin de beaucoup de main-d’oeuvre. J’ai donc le côté administratif du salariat à gérer et toute la comptabilité. Ma passion, c’est d’être dehors, mais des choses sont à faire au bureau et il faut prendre le temps de tout mettre à jour.

Quel message voulez-vous transmettre sur votre métier ?

Être viticulteur et chef d’exploitation, c’est un métier passionnant, complet et multitâches. On travaille avec du vivant. Même si nous rentrons trempés ou transpirants, nous respirons l’air pur de la campagne. C’est une chance. Nous aimons partager notre métier, présenter nos vignes et/ou la cave coopérative. Que ce soit avec des saisonniers, des passants, des groupes scolaires viticoles ou non. N’hésitez pas à dialoguer avec une personne dans ses vignes. Elle sera ravie d’échanger et d’expliquer son métier. C’est un métier plein d’avenir. L’agriculture et la viticulture existent depuis toujours. Il n’y a pas de raison que ça s’arrête. Il faut rester optimiste et s’adapter !